Marie Fortuit, autrice, metteur en scène et comédienne dans "La vie en vrai"

"Ce qui me touche chez Anne Sylvestre, c’est sa plume pleine de poésie, son engagement, sa dignité et son exigence sans jamais se trahir." Interview de Marie Fortuit.
"Elle sait toucher au cœur des gens. Elle m’a touché avec cette chanson qui parle en fait à tout le monde"
Comment est né ce spectacle "La vie en vrai" sur les chansons d’Anne Sylvestre ?
Quand je suis arrivée à Paris, j’allais beaucoup dans les cabarets, les bars voir des spectacles, écouter des artistes et c’est là que j’ai découvert ses chansons interprétées par d’autres artistes. Au moment de sa disparition en 2020, je me suis replongée dans son œuvre. La directrice du Centre National Dramatique de Besançon, qui savait que j’aimais Anne Sylvestre, m’a donné carte blanche et j’ai écrit et pu jouer pour la première fois « La vie en vrai ».
Que représente pour vous cette artiste. Quel lien avez-vous avec elle ?
Ce qui me touche chez Anne Sylvestre, c’est sa plume pleine de poésie, le choix des mots, son engagement, son rapport au monde, sa dignité et son exigence sans jamais se trahir. A l’image de la chanson « Les gens qui doutent », elle sait toucher au cœur des gens. Elle m’a touché avec cette chanson qui parle en fait à tout le monde. Elle évoque nos faiblesses, les doutes que l’on peut avoir notamment quand on n’est pas dans la norme. Elle refuse la catégorisation. C’est une question à la fois politique et humaine.
Comment avez-vous conçu le spectacle ?
J’ai écouté toutes ses chansons et j’ai choisi les textes qui me parlaient le plus. En parallèle, j’ai écrit des textes qui faisaient écho à ses chansons. Le choix s’est fait surtout sur la ligne de ses chansons féministes mais aussi sur certaines qui évoquent la question de l’art, de ce qu’est qu’être artiste. Je conclus le spectacle avec sa chanson « Y-a-t-il une vie après le théâtre ? »
Vous avez dit que vous aimiez l’idée de tisser des liens entre les générations. Est-ce une réalité entre le féminisme des années 70 et les féminismes d’aujourd’hui ?
C’est assez évident. Ces chansons sont intemporelles et traitent des sujets d’aujourd’hui comme le sexisme, le viol… Ces textes sont tellement beaux, profondément humains comme celui de « Maison douce ». A aucun moment, ils sont didactiques. D’ailleurs, les spectateurs qui sont venus voir le spectacle, tout âge confondu, sont touchés. C’est une grande artiste qui réunit toutes les générations.
Vous avez commencé par jouer au foot avant de venir au théâtre. Comment s’est fait ce chemin ?
Je jouais au foot adolescente mais j’ai tout arrêté. Une troupe amateur donnait des cours de théâtre près de chez moi à Croissy-sur-Seine et j’ai franchi le pas. J’ai étudié au lycée « Antigone » de Jean Anouilh qui parle d’une ado qui arrive à dire non. Cela m’a parlé et donné envie de poursuivre le théâtre. Ma rencontre avec Marie Trintignant a aussi été décisive. Elle était venue dire des textes avec son père Jean-Louis. C’est là que j’ai décidé de me consacrer pleinement au théâtre. Un vrai déclic ! Avant je prenais des cours et vivais de petits boulots.
Vous étiez nommé aux Molières mardi dernier. Qu’est-ce que représente cette nomination ?
C’est un vrai honneur pour moi et Lucie Sansen qui joue et chante dans le spectacle que d’avoir fait partie des quatre spectacles musicaux retenus pour les Molières. En plus, nous étions le seul spectacle de théâtre public et la défense de ce théâtre public dans une période de coupe des budgets de la culture compte beaucoup pour moi.
"La Vie en vrai", par la compagnie Les Louves à minuit, mardi 6 mai à 20h30 au Chai de Capendu dans le cadre de la saison de l’Envolée. Informations et réservation.